16/ Le crapaud

 

Tristan Corbière

« Le crapaud »

 

      Tristan Corbière (1845-1875) peu gâté par la nature : rachitique, laid ,tuberculeux. Il a été rejeté par l’unique femme qu’il ait aimé. Son unique recueil n’a eut aucun succès. Ce titre mêle une référence à Ronsard auquel il ajoute la couleur jaune qui symbolise l’infidélité. L’infidélité est le sarcasme « on aime jaune comme on rie jaune ».

 

I/Une ballade romantique qui tourne mal

 

      1.Un poème qui respect certaines règles.

 

-C’est un sonnet inversé (d’abord 2 tercet puis 2 quatrains),

-Rimes suivies puis rimes embrassé,

-Une alternance de rimes masculine et féminine (« e » muet),

-Le dernier vers est une chute qui invite à relire le poème.

 

      2.De nombreuses fausses notes

 

-Ce sont des octosyllabes (vers moins noble que l’alexandrin),

-Au vers 9 on est forcé de prononcer [poèt] (synérèse) pour respecter le nombre de syllabe (signe d’autodérision),

-Le rythme est très saccadé à cause des tirets, de la ponctuation,

-Jeu sur les sonorités, on retrouve souvent la syllabe[wa] qui matérialise le coassement d’un crapaud,

-La syntaxe n’est pas toujours respecté (Horreur pourquoi ?),

-Crapaud à un deuxième sens, cela veut dire défaut dans une pierre précieuse.

 

 

II/Une balade romantique qui tourne mal

 

      1.Un cadre romantique

 

-La scène se passe dans la nature (massif, vert sombre), de nuit (lune, nuit), le chant fait penser au champ du rossignol, 2 personnage (dialogue) qui se tutoient et qui s’aime.

 

      2.Mais on retrouve des fausses notes

 

-Un décor inquiétant : nuit sans air (impression d’étouffement), enterrer sous sa pierre (impression de mort), ça (mystérieux) ombre, sombre.

-Un dialogue ? Les phrases sont très courtes, incompréhension (nombreux point de suspension), réaction opposé face au crapaud, le dernier vers laisse supposer une rupture.

 

III/L’image du poète dans ce texte

 

     1.L’assimilation du crapaud au poète

 

-Début : indéfini « ça », « c’est là », « un chant » (+ chant mystérieux : « écho » = lointain, « tout vif » = proche),

-Suspense au moment de la volte (=entre tercets et quatrains),

-Découverte, révélation au v.7 : « un crapaud ! »,

-Première assimilation au poète : v9-10,

-Seconde assimilation au dernier vers = chute (qui invite à la relecture) : à Corbière lui-même (au « je » du texte)

 

      2.Une bête repoussante

 

-Réaction de la fille, répulsion,

-« ça », « c’est là » utiliser normalement pour une chose,

-Laideur ~ mythologique : « son œil » = Cyclope ( ?),

-Animal ici associé à l’ombre et à la mort,

-Son élément naturel : la « boue » (il est englué dans le sol),

-Choix étonnant de Corbière : habituellement, allégorie du poète en rossignol, cygne, albatros (= aspect aérien), là, volonté de dissonance, auto dépréciation, autodérision.

 

      3.Un animal contradictoire

 

-La dualité du crapaud : oxymore « rossignol de la boue », « œil de lumière » : connote l’intelligence + faculté de perception peu commune.

-La situation du poète :incapable de communiquer, inaptitude à la vie sociale, il est incompris.

-Autoportrait de Corbière : négatif, souligne sa laideur, sentiment d’échec, d’exclusion, de souffrance ; le poète se transforme en crapaud alors qu’habituellement le crapaud se transforme en prince…

 

Conclusion :

Un poème très original grâce : à la brisure du sonnet traditionnel, à l’alliance d’un forme noble (le sonnet) et d’un thème trivial (le crapaud), au symbole du crapaud qui inspire le dégoût malgré sa volonté d’élévation ,sa recherche de la beauté et sa « lumière » intérieure.

Corbière exprime de façon iconoclaste (provocatrice) ses blessures morales. Meurt inconnu à l’âge de 30 ans. Passe à la postérité grâce à Verlaine qui le classe aux côtés de Rimbaud et de Mallarmé dans les poètes maudits (1884).

 

By Xababaaâ le 30/05/08




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